À la recherche d'indices

Trice s'est enfin décidée à explorer les lieux. Après deux jours à rechercher son frère dans tout le rez-de-chaussée et l'extérieur, elle n'a trouvé aucun indice. Peut-être n'est-il pas entré dans cet endroit lugubre, elle l'espère de tout cœur. En haut des marches, elle s'arrête et regarde de chaque côté pour s'assurer qu'il n'y a personne. La lumière rayonne dans chaque recoin et il n'y a pas une ombre à l'horizon. Béatrice termine de monter les escaliers tout de même peu rassurée. Même si l'endroit est lumineux, elle peut voir à travers les fenêtres que le brouillard est toujours là.

Elle s'approche de la fenêtre pour jeter un œil à l'extérieur, mais on ne voit rien d'ici. Ça ne sert à rien de continuer à chercher William. Il faut qu'elle reste concentrée sur son nouvel objectif : découvrir où elle a atterri. Après deux jours passés en bas, elle s'était enfin décidée à monter au premier étage et même si elle tremblait en avançant, elle ouvrit une première porte qui lui opposa de la résistance. Elle n'insista pas et en essaya une autre. Elle força et la porte s'ouvrit en grand. À la vue de cette classe sans dessus dessous, elle n'entra pas.

Trice resta à l'entrée et remarqua les encriers au sol et un cartable de cuir usé près de la porte. On aurait dit la photo d'une classe des années 20 après le passage d'une tornade. Son frère lui avait parlé de l'histoire de cette pension, mais elle ne l'avait pas vraiment écouté. Tout ce dont elle se souvenait, c'était que les nazis avaient causé un bain de sang parmi les enfants de la pension et depuis l'endroit était maudit. Un compas traversa la pièce et se planta dans la porte. Béatrice secoua la tête, croyant halluciner. Un deuxième objet vola vers elle, plus gros, mais elle prit ses jambes à son cou en criant.

Il n'y avait personne, elle en était sûre ! Affolée, elle courra sans regarder derrière elle, oubliant que le danger pouvait tout aussi bien surgir devant elle. Quand elle se ressaisit, elle regarda au dessus de son épaule et ne vit personne. Alors elle s'arrêta de courir et retient ses larmes en s'essuyant le visage avec sa manche. Après une grande respiration pour reprendre confiance en elle, Trice prit le temps de regarder où elle était. Elle vit un lourd rideau contre le mur, ce qui était étrange, puisque dans cette partie du couloir il n'y avait aucune fenêtre. Derrière le tissu était cachée une porte massive. Béatrice le repoussa et tourna doucement la poignée.

Tout d'abord elle fut euphorique d'avoir trouvé ce qui semblait être le bureau du directeur. S'il y avait des informations sur l'endroit, ce devait très certainement être ici. Puis la peur prit le dessus... Qu'est-ce qui pouvait bien l'attendre dans cette pièce. Des choses étranges n'arrêtaient pas de se produire depuis son arrivée, mais là elle avait comme été attaquée par la pension elle-même et c'était terrifiant. Avec des monstres au moins, l'ennemi était physique et il était possible de les tuer... Mais si c'était contre la pension elle-même qu'elle devait se battre, comment pouvait-elle s'y prendre à part en foutant le feu à la baraque !

Cette pensée lui redonna du courage et elle entra. La pièce était dépourvue de toute décoration, il n'y avait qu'un bureau et un fauteuil de cuir vert poussiéreux. Les murs quant à eux étaient recouverts d'armoires. Trice s'approcha de l'une d'elle et vit à travers la baie vitrée des dossiers entassés. La clef était dans la serrure, elle n'eut qu'à la tourner pour ouvrir le placard. Elle empila plusieurs dossiers dans ses bras et alla les poser sur le bureau. Il n'y avait aucune indication sur les chemises multicolores. Elle en prit une au hasard et commença ses recherches en oubliant complètement que quelques secondes plus tôt elle courrait pour sa vie.

Il n'aurait jamais cru tomber dans un bâtiment aussi dingue.

Sac à dos sur l'épaule, Johann cherchait simplement un toit, un endroit au sec pour passer la nuit et repartir le lendemain... Mais il réalisa rapidement que dormir dans la Pension relèverait du miracle. L'endroit était désert, pourtant il sentait bien qu'il n'était pas seul. Et pour une fois, il n'était pas complètement parano.

L'eau qui gorgeait sa veste orange, qui remplissait ses baskets trouées lui glaçait les os. Il renifla, s'essuya le bout du nez de sa manche et se mit à explorer la Pension. Sans s'attarder au rez-de-chaussée, il s’engouffra dans l'escalier conduisant aux étages et arriva dans un long couloir, aussi peu accueillant que tout le reste. On l'avait mit en garde contre cet endroit, pourtant. Mais comme toujours, il n'en avait fait qu'à sa tête. Curiosité malsaine, quand tu nous tiens...

Le bruit de chacun de ses pas rompait le silence, il semblait faire un vacarme épouvantable, à réveiller les morts. Une porte s'offrit sur sa gauche, il y entra sans hésiter. La pièce était d'une banalité effarante, mais un frisson parcourut l'échine du jeune homme. Il s'était passé quelque chose ici. Il y avait quelques chose ici. Et ce n'était pas seulement dans sa tête.

Il quitta la pièce et poursuivit.

Une nouvelle porte lui donna accès à une nouvelle salle. Vide, encore. L'agacement gagnait Johann qui s'avança à l'intérieur. Il s'approcha de la fenêtre. Il faisait nuit dehors. Il pleuvait des cordes. Quand il décida de quitter la pièce, le placard dans le coin attira son attention. Pourquoi ne pas y jeter un coup d'oeil ? souffla la petite voix dans sa tête. Si ça se trouve, il y a des trésors à l'intérieur.

Johann lui obéit sans trop se poser de question, mais aucun trésor ne se trouvait au fond du placard. C'était bien plus incroyable encore. Comme dans ce bouquin pour enfant, l'armoire donnait sur un autre endroit. Pas de lampadaire perdu sous la neige, mais bel et pièce une autre pièce. Un bureau, pour être précis, avec des étagères poussiéreuses et un fauteuil de cuir vert rappelant celui de son oncle Friedrich. Qu'est-ce qu'il avait mauvais goût, le vieux Fritz !

Ce n'est pas sur le mobilier en parfait état que Johann s'arrêta, ni même sur la sobriété extrême du lieu. Oh non. Il avait enfin trouver quelqu'un de vivant. Une jeune femme dont la tête dépassait à peine de la pile de dossiers qu'elle feuilletait.

« Ah !, s'exclama-t-il alors. Peut-être vais-je avoir enfin des réponses à mes questions ! »

Le "bonjour" était en option. Avaient-ils vraiment le temps de se perdre en salutations inutiles, après tout ?

Dans un premier dossier elle trouva des dessins d'enfants, puis dans le second pareil comme les autres dossiers qu'elle avait prit. Béatrice s'énerva sur le tas de feuilles et retourna dans l'armoire pour prendre encore plus de dossiers, elle les empila les uns sur les autres au milieu du bureau et les fouilla tous. la moitié tombèrent à côté du bureau. Ils débordaient tous de dessins, il n'y avait pas un seul vrai dossier. Cet endroit avait peut-être l'air d'un bureau de direction, mais c'était une coquille vide.

Au milieu des dossiers Trice trouva un petit livre qu'elle glissa dans son sac noir imprimé de fleurs. Elle venait juste d'acheter ce sac et il était déjà noirci par la poussière, le tissu était fragile et elle devait faire attention à ne pas trop le remplir. Mais elle ne pouvait pas ressortir de cette pièce sans quelque chose, au moins avec cet exemple du Petit Prince, elle aurait de quoi se changer les idées le temps de quelques lignes. Assise à même le sol derrière le bureau à regarder un dernier dossier où elle avait trouvé une note perdue au milieu des dessins, elle ne se rendit pas compte que quelqu'un était entré.

En entendant une voix juste à côté d'elle, Béatrice se redressa d'un bond et prit en main le couteau qu'elle avait prit avec elle quand elle avait trouvé la cuisine. Mais son instinct se calma, l'étranger avait l'air tout à fait normal et aussi perdu qu'elle. Elle garda son couteau derrière son dos et le recoinça dans sa ceinture.

- N'en sois pas si sûre ! Je viens de tout fouiller et il n'y a rien, ce ne sont pas de vrais dossiers. Tout n'est qu'un putin de cauchemar éveillé !

Elle contourna le bureau et s'approcha d'un des placards encore fermés. La clé eut du mal à tourner à cause de la rouille, mais Trice put ouvrir les portes vitrées. Elle sortit au hasard des dossiers les laissant tomber à ses pieds et les envoyant derrière elle.

- Il n'y a rien du tout ici à par ces foutus dessins !

Les feuilles volèrent et se répandirent sur le parquet, toute une partie de la pièce en était recouverte. Trice se retourna et poussa plusieurs dossiers pour se frayer un chemin. Plusieurs notes en sortirent. Au milieu de ces dessins d'enfants ces quelques mots sur les feuilles jaunies ressortissaient clairement. Elle s'abaissa et en récupéra une qu'elle lut à voix haute.

- Marc si tu lis ça, je suis désolé je n'ai pas pu continuer. J'espère que tu as réussi à sortir de cet enfer. Depuis la nuit dernière je peux à peine bouger, il m'a fallu la journée pour arriver jusqu'ici et être sûr de pouvoir te laisser un mot. Enfin, autant qu'on peut être sûr d'une chose dans cet endroit, c'est à dire pas beaucoup. Si tu recherches toujours la sortie, ne va pas à la cave, il n'y a que la mort là-bas !

Ce n'était pas rien ça... C'était les mots d'une personne prise au piège tout comme eux. Trice ne s'attendait pas à trouver ce genre de choses dans cet endroit. Elle resta figée le temps de comprendre qu'elle lisait les mots de quelqu'un qui était mort ici et n'avait jamais espérer sortir de la pension.